Commission Juridique – 9 avril

Droit à la médiation

Bruno Chupin, Médicys

Qui est concerné par la médiation ? Tous les professionnels des Etats membres de l’UE, notamment les éditeurs de contenus et services en ligne, sont tenus de mettre en place la médiation. Le droit à la médiation s’applique aux litiges de consommation nationaux ou transfrontaliers résultant d’obligations contractuelles découlant de contrats de vente de biens ou de services conclus entre un professionnel établi dans l’UE et un consommateur résidant dans l’UE.
Rappel de l’obligation : Nommer contractuellement un médiateur et informer (via les CGV) les consommateurs de la possibilité de recourir à la médiation pour résoudre un litige.

Sanction : 15 000 euros

L’accord cadre entre le Geste et Medicys propose à tous les professionnels adhérents deux solutions au choix à des conditions préférentielles:

  • Une cotisation incluant 2 médiations offertes à 50€HT/an au lieu de 60€HT/an
  • Une cotisation simple à 10€HT/an au lieu de 25€HT

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RGPD-Eprivacy

Maitre Corinne Thierache et Maitre Etienne Drouard

Sur le recueil du consentement des données à des fins de publicité ciblée dans l’univers In app :
La CNIL considère ces données comme particulièrement sensibles.
Au fil des lettres de mise en demeure, la CNIL impose des parcours du recueil du consentement particulièrement strict. L’autorité semble se rendre compte au fur et à mesure que trop de transparence nuit à la clarté.

Doivent figurer lors du recueil du consentement :

  • La liste des partenaires doit être communiquée dès la première page, avec les CGU de chacun (accessible via un lien)
  • Un détail des finalités
  • Les différents droits dont l’internaute dispose (accès, rectification …)
  • Il est possible de mettre un bouton “tout accepter”, “tout refuser”. Cependant la CNIL souhaite un détail des finalités paramétrable avant les boutons “tout refuser” et “tout accepter”.

Le GESTE a proposé à la CNIL de travailler en collaboration autour d’un parcours de recueil du consentement dans le monde de l’inapp pour les données utilisées à des fins de publicité ciblée et géolocalisée garantissant le droit des utilisateurs et le modèle économique de l’éditeur.

Qui est responsable de traitement ? Qui est sous-traitant ?
La définition d’un responsable de traitement n’a pas changé depuis la loi de 1978 : c’est celui qui détermine, seul ou à plusieurs, les finalités et les moyens d’un traitement de données à caractère personnel.
Dans le RGPD se trouve la notion d’un responsable de traitement conjoint : lorsque les finalités et moyens de traitement sont déterminé à plusieurs. Le sous-traitant effectuera, lui, un traitement pour le compte d’un responsable du traitement.

Il manquerait un quatrième statut : la “co-traitance” : lorsqu’un acteur récupère des données, collectées par un responsable de traitement pour des usages et moyens déterminés, et  détermine un autre usage et une autre finalité. C’est le cas dans le monde des réseaux publicitaires sur internet.

Sur ce sujet, un arrêt de la CJUE, dans l’affaire Fashion ID, viendra préciser les chaînes de responsabilité. L’enjeu dans cette affaire de savoir si les publishers européens sont responsables de la violation par Facebook du RGPD dès lors qu’ils utilisent le bouton “j’aime” sur leur site.

ePrivacy :
Qu’attendre de la prochaine présidence de l’union européenne qui va piloter les prochain travaux ?
Les CNIL européennes souhaitent que le futur règlement ePrivacy n’offre pas un niveau de protection inférieur que celui offert par le RGPD. Dans les discussions à venir toutes les écritures sont possibles (bases légales, coresponsabilité des acteurs …)

2 visions sont opposées :

  • soit le consentement s’exprime au niveau du navigateur.
  • soit le consentement s’exprime sur le site visité.

Prochaines étapes :

  • Juin 2019 : abrogation de la recommandation de 2013 et remplacement par un nouveau texte.
  • Rentrée 2019 : discussion sur le règlement ePrivacy avec des options ouvertes.

Directive droit d’auteur.

Maitre Florence Gaullier, Vercken et Gaullier Avocats

Objectif de la directive : moderniser, harmoniser le droit d’auteur et rééquilibrer le partage de la valeur entre les producteurs de contenu et les plateformes.

Article 15 : Création d’un droit voisin

Qui sont les titulaires ?

  • Éditeurs de presse établis dans un État membre de l’UE et qui ont leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur établissement principal à l’intérieur de l’Union
  • Inclut les agences de presse lorsqu’elles publient des publications de presse au sens de la directive (considérant 55)

Quel objet ?  Le droit voisin porte sur les publications de presse :
« une collection composée principalement d’œuvres littéraires de nature journalistique, mais qui peut également comprendre d’autres œuvres ou objets protégés, et qui :

  • constitue une unité au sein d’une publication périodique ou régulièrement actualisée sous un titre unique, telle qu’un journal ou un magazine généraliste ou spécialisé;
  • a pour but de fournir au grand public des informations liées à l’actualité ou d’autres sujets; et
  • est publiée sur tout support à l’initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle d’un fournisseur de services.”

Ce droit est opposable aux fournisseurs de services de la société d’information.

Quels droits ?
Droit exclusif de reproduction et de mise à disposition des publications de presse pour les utilisations en ligne.
Exceptions : le droit voisin ne s’applique pas aux actes liés aux hyperliens accompagnés de mots isolés ou de très courts extraits d’une publication de presse.
La question est maintenant de définir « un court extrait ».

Durée : 2 ans après la publication, à compter du 1er janvier de l’année suivant la date de publication.

Les États membres ont deux ans pour transposer le texte. En France, une proposition de loi déjà adoptée par le Sénat servira de base à la transposition de la directive européenne et sera présentée le 4 mai 2019 à l’Assemblée nationale.

Article 17 : le value gap

Objectif : rééquilibrer le système actuel de responsabilité allégé des plateforme de partage des contenus avec un système plus complexe et gradué.

Principe : Les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne effectuent un acte de communication au public ou de mise à disposition du public au sens du droit d’auteur.
La plateforme devra donc avoir une autorisation des titulaires de droits, et les rémunérer (les licences gratuites restent possibles).

En l’absence d’autorisation, un système de responsabilité spécifique permettra de s’exonérer de cette autorisation. Cette exonération est graduelle en fonction de la taille des plateforme, avec des obligations :

  • avoir fait les meilleurs efforts pour avoir l’autorisation
  • avoir fait les meilleurs efforts pour mettre en place un système de filtrage dès lors que les titulaire de droit ont donné les information permettant ce filtrage
  • Agir promptement pour retirer un contenu et empêcher la remise en ligne.

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Audio Digital

Xavier Filliol, Radioline

Extension de la licence légale au webradio.

Engagé depuis de nombreuses années pour la défense du simulcasting et du webcasting en France, le GESTE a largement soutenu l’extension du régime de la licence légale aux webradios et s’est félicité de son adoption dans le cadre de la LCAP de 2016.

Grâce à son article 13, la LCAP reconnaît le principe européen de la neutralité technologique entre tous les acteurs de la radio : désormais, les radios en simulcasting (reprise d’un flux FM sur le web) et les webradios seront sous le même régime juridique que les radios hertziennes vis-à-vis des producteurs et des artistes musicaux, à savoir la licence légale.

Depuis 2017 le GESTE est engagé dans une commission mixte paritaire : la commission rémunération équitable, spécifique pour le webcasting. Objectif : déterminer le barème et les conditions applicables à la webradio. Le GESTE travaille avec le SRNL, le SRN et le SIRTI afin de maintenir une position forte dans les négociations.

Mise en place du contrat SACEM Webradios commercials
Après plus de 10 ans de négociations, les discussions avec la SACEM ont abouti.
Vous pouvez vous rapprocher du GESTE pour en avoir une copie.

Le centre national de la musique.
L’idée est de rationaliser les différentes agences et officines para ministérielle qui travaillent sur la musique pour renforcer le secteur avec une dimension de guichet unique pour délivrer les différentes aides à la création, crédit d’impôt  etc.
Ce centre devrait intégrer l’observatoire de la musique, l’IRMA et le FCM (fond pour la création musicale). Un projet de loi qui définit les missions de ce CNM est actuellement en discussion.

Sur la neutralité des terminaux :
Dans ce cadre, L’ARCEP et le GESTE comptent travailler autour de la neutralité des OS et terminaux, notamment autour de la question des applications installées par défaut, sans possibilité d’alternative, sur les nouvelles enceintes connectées.

Objectifs : lutter contre le risque de pratiques discriminatoires, notamment en traitant les cas suivants, si possible par autorégulation :

  • le cas des applications installées par défaut (et non supprimables) dans les OS (ou leur « sur-couche »constructeur), qui peuvent être concurrentes aux applications des éditeurs (qui perdent le contrôle de la donnée utilisateur). (ex: Apple Podcast)
  • le cas des applications lancées par défaut sur les IA des GAFA (Google Home, Alexa), demander plus de transparence dans la hiérarchisation des flux.

Taxe sur le Numérique (TSN)

Maître Nicolas Duboille, Sumerson Partners

L’Assemblée nationale a voté le 8 avril 2019 l’instauration d’une Taxe sur le Numérique, faisant de la France un des pays pionniers en la matière.

La TSN française s’appliquera à hauteur de 3% sur la part du chiffre d’affaires lié à l’utilisation de certains services numériques en France, à partir de Janvier 2019. Elle vise deux types d’activités :

  • les plateformes numériques qui mettent en relation clients et producteurs, revendeurs ou fournisseurs de services
  • le ciblage publicitaire (via une plateforme digitale) et la revente de données personnelles à des fins publicitaires

Certains services sont expressément exclus du champ de la taxe, comme les services mettant à disposition une interface numérique utilisée principalement pour fournir directement des contenus numériques aux utilisateurs (vidéos, audios, applications et logiciels, y compris des jeux).

Par ailleurs, la TSN vise les entreprises établies ou non en France, dont le montant des sommes encaissées en contrepartie des services taxables excède 750 M d’Euros au titre des services fournis au niveau mondial et 25 M d’Euros au titre des services fournis en France. Il est précisé que “pour les entreprises, quelle que soit leur forme, qui sont liées, directement ou indirectement, à d’autres entreprises par une relation de contrôle exclusif, le respect des seuils (…) s’apprécie au niveau du groupe qu’elles constituent”.

Compte tenu de ces seuils, seule une trentaine d’entreprises seraient visées* :

  • Vente de biens: Alibaba, Amazon, Apple, Ebay, Google, Groupon, Rakuten, Schibsted, Wish, Zalando.
  • Intermédiaire de services: Amadeus, Axel Springer, Booking, Expedia, Match.com, Randstad, Recruit, Sabre, Travelport Worldwide, Tripadvisor, Uber.
  • Publicité en ligne: Amazon, Criteo, Ebay, Facebook, Google, Microsoft, Twitter, Verizon.

* Etude TAJ accessible ici

La TSN serait une solution provisoire dans l’attente de la finalisation des travaux de l’OCDE destinés à faire rentrer dans le droit fiscal commun les entreprises qui n’ont pas de présence physique mais, une présence numérique significative dans un État Membre. Pour le moment, l’Administration Fiscale s’appuie sur la notion devenue obsolète d’Établissement Stable, permettant à l’État Français de taxer une entreprise étrangère ayant des activités françaises, dans le cadre d’une installation fixe d’affaire sur le territoire national (liée à la présence physique de moyens d’exploitation, usine, bureaux, personnel).

Certaines incertitudes persistent et les modalités d’application demandent encore à être précisées : périmètre précis des activités concernées et des activités exclues, caractère rétroactif de la taxe, modalités de rattachement au territoire national des services visés, caractère provisoire de la taxe, compatibilité avec les règles en matière de protection des données personnelles.

Voir également : La taxe sur les services numériques : Le projet français dévoilé par Contexte

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Concurrence

Maître Fayrouze Masmi-Dazi, Avocat à la Cour, Partner – Frieh Associés

Focus sur l’actualité en matière de concurrence pour le secteur des médias et de la publicité en ligne :

  • Affaire Amadeus c/ Google – 4 mai 2018 – suspension de comptes Google Ads : Amadeus a déposé plainte au fond contre Google auprès de l’Autorité de la Concurrence et l’a saisi d’une demande de mesure conservatoire. En janvier 2019, l’Autorité a infligé quatre injonctions à l’encontre de Google à savoir : clarifier les règles de Google Ads applicables aux services concernés, modifier la procédure de suspension de compte des annonceurs, analyser la conformité  des campagnes proposées par Amadeus, et former son personnel au contenu des règles Google Ads.
    La décision de l’Autorité de la Concurrence a été confirmée en tout point par l’arrêt de la Cour d’appel, en date du 4 Avril 2019, à l’exception de l’obligation de  former le personnel, que la Cour d’Appel n’a pas jugé impérieusement nécessaire.
  • En matière de concurrence, plusieurs décisions de sanctions ont été prononcées à l’étranger dans le secteur de la publicité en ligne et notamment la décision de sanction Google AdSense for Search – Commission européenne  – mars 2019 (troisième décision de sanction contre Google pour abus de position dominante). Au delà de l’importance des sanctions prononcées, ces décisions pourraient être le support de futures actions en réparation de dommages et intérêts. Il faut donc s’attendre dans les prochaines années à voir se multiplier de telles actions dans le secteur de la publicité en ligne.
  • Beaucoup de solutions “classiques” ont été abordées pour contrer la position dominante de Google et Facebook dans le secteur de la publicité ciblée : scinder les activités, casser les monopoles et les positions constituées ….  Aujourd’hui d’autres solutions sont envisagées, présentées notamment dans le Rapport Competition policy for the digital era de mars 2019 qui servira de feuille de route pour la prochaine Commission sur la manière de traiter les problématiques concurrentielles dans le secteur numérique. L’une des piste envisagées consiste à renverser la charge de la preuve (L’entreprise visée devra justifier qu’elle n’a pas abuser de sa position).
  • Accords anticoncurrentiels de whitelisting Google / EYEO ayant fait l’objet d’engagements devant l’autorité allemande de concurrence en coopération avec l’autorité autrichienne de concurrence (Eyeo / activité d’adblocking) – 21/01/2019
  • Avis de l’Autorité de la Concurrence sur la réforme de l’audiovisuel : Cet avis n’a pas de force contraignante, il n’est donné qu’à titre consultatif. L’Autorité acte des bouleversements en cours dans le secteur de l’audiovisuel (acquisition de droits, montée en puissance du non linéaire, internationalisation, désintermédiation) et incite à un assouplissement des règles pour les acteurs historiques.

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