Droit voisin : bilan 2017/2018 – 25 juin 2018

MariePierre Ombrédanne (Delicity) intervient au GESTE sur Droit Voisin pour les éditeurs de presse

Très court rappel historique pour comprendre le Droit Voisin pour les éditeurs de presse. Dans beaucoup dindustries culturelles, parallèlement à la réglementation sur les droits dauteurs de nouveaux droits ont été inscrits dans la loi en 1985 : les droits voisins, ou droits attribués aux entreprises qui ont développé, produit, les ouvres sans en être lauteur principal. La durée de ces droits est aujourdhui de 70 ans à partir de la première communication au public dune oeuvre

La création dun droit voisin au profit des producteurs de phonogrammes ou de vidéo a été instauré pour faire en sorte que lentité ayant investi et financé lenregistrement profite de la diffusion large des oeuvres en contrepartie de quoi les diffuseurs (radio/ tv...) nont pas à demander dautorisation préalable de diffusion. Tout un système bien huilé dont les éditeurs de presse sont écartés

Comment le droit voisin qui touchait essentiellement la production vidéo et musicale sétend jusquà la presse ?

Dans les années 2000, les opérateurs professionnels de veille à travers des systèmes de web crawling ont compris le profit quils pouvaient tirer des contenus publiés et accessibles en ligne. Profit à marge maximale, se cachant derrière la réglementation light de lexception pour revue de presse ou celle de la courte citation, ces opérateurs soctroyant le droit de ne rien demander aux éditeurs, et surtout de ne rien reverser du CA dégagé par cette nouvelle activité (veille, panoramas de presse ...). Les éditeurs ont alors contre attaqué en mandatant le Centre Français de la Copie pour aller chercher des redevances auprès de tous ces agrégateurs

Le développement de Google news na fait que précipiter le mouvement et la détermination des éditeurs partout en Europe de trouver des moyens de protéger leurs énormes investissements dans les contenus numériques et dobtenir enfin des rémunérations équitables. Passons sur les épisodes de bras de fer et déréférencement des contenus déditeurs en Belgique, Allemagne, Espagne notamment, pour arriver à la situation actuelle avec deux fronts ouverts, 1 en Europe et 1 en France.

En France les éditeurs de presse nont que très peu de base légale pour attaquer les crawlers et autres robots. Responsabilité civile ou droit des marques ... Ceci dautant plus que léditeur de presse ne dispose que de cession limitée de la part des auteurs journalistes (A 13236 et suivants) accords HAPODI

En juillet 2016, Laurence Franceschini a conduit une mission sur le droit voisin à laquelle le GESTE a participé dans le cadre de différents rapports conduits par la commission européenne (favorable au droit voisin dans la directive sur le droit dauteur dans le marché numérique A 11

Le rapport conclut en résumé quil est quasiment impossible pour les éditeurs de faire valoir leurs droits face au développement anarchique du pillage de leurs contenus et que la différence de traitement entre les éditeurs de presse et les acteurs des industries culturelles nest pas justifiée 

L’instauration dun droit voisin de léditeur de presse est justifié sous réserve

De respecter les droits des auteurs De ne pas entraver la liberté dinformation, le droit de citation, les exceptions De mettre en place des mécanismes de négociation et de rémunération équilibrés et souples entre agrégateurs et éditeurs 

Dinscrire ce nouveau droit au niveau de lunion européenne de façon à modifier en profondeur les relations avec les agrégateurs 

Position du GEST

Le GESTE, estime que les principes fondamentaux du fonctionnement dInternet (liberté dexpression, pluralisme de linformation et partage de la connaissance et du savoir) ne doivent en aucun cas être remis en cause, mais soutient vivement cette proposition qui reconnaît le rôle des éditeurs et leurs investissements dans la création de contenus de qualité essentiels pour laccès à linformation et la connaissance

Oui à la possibilité de négocier des accords et des licences dutilisation de tous les types de contenus / datas..

Mais attention aux effets de bord. Les éditeurs de presse devront toutefois rester vigilants face à une possible renégociation des accords droits dauteur (cercle 3 Hadopi) par les syndicats qui demanderont une redistribution dune part des revenus

Et alors depuis

En France le modem et le député Mignola ont déposé une proposition de loi ( le 4 avril 2018) qui na pas été votée au parlement au motif quil fallait attendre que la directive « droit dauteur dans le marché unique numérique » soit votée pour la transposer en droit français

Malheureusement, en 2017, le rapport de la Commission des affaires juridiques du 

Parlement européen propose de supprimer le droit voisin projeté par la proposition de directive et de le remplacer par un droit daction en justice composé dune présomption de défense et dun pouvoir de représentation

996 amendements plus tard, le mercredi 20 juin il y a une semaine, la commission des affaires juridiques (JURI) du Parlement européen a voté une version de larticle 11 reprogrammant un vrai droit voisin à côté dautres dispositions qui ont fait réagir notamment celle sur le filtrage des contenus. (A13

Mais restons avec le droit voisin, la route est encore longue et les prochaines étapes complexes. Le rapport doit être adopté en plénière, sans doute en juillet puis doit être validé par la commission et le conseil des ministres puis revoté par le parlement. Puis enfin transposé dans le droit national. (re ouf

Pendant ce temps ; la position du Geste reste la même sur ce point de larticle 11

Oui à un droit voisin permettant à tous les éditeurs contenus (pas seulement les éditeurs IPG) de sadapter aux nouveaux usages des crawlers, de mieux monétiser lutilisation faite de leurs contenus, de développer de nouveaux produits à commercialiser

Attention aux effets de bords sur les difficiles accords Hadopi négociés dans les entreprises de presse