Guidelines sur le retrait de contenus

Plusieurs motifs peuvent conduire une personne physique ou morale à demander le retrait d’un contenu : atteinte à son droit à l’image, diffamation, injure, atteinte aux droits de propriété intellectuelle etc.

Il existe également différentes catégories de contenus (contenus éditoriaux, contenus produits par les internautes ou contenus issus de partenariats). L’éditeur en ligne qui reçoit une demande de retrait d’un contenu publié sur son site Internet traitera donc la demande en fonction de la catégorie de rattachement du contenu.
Il apportera une réponse appropriée en fonction des circonstances : rejet de la demande, anonymisation ou retrait du contenu.

Le présent document synthétise les bonnes pratiques des membres sondés en matière de retrait de contenus.

I – Identifier l’auteur du contenu concerné

Une demande de retrait d’un contenu fera l’objet d’un traitement spécifique en fonction de la nature du contenu en question : contenus éditoriaux, contenus produits par les internautes et contenus issus de partenariats. Pour déterminer la catégorie à laquelle se rattache un contenu, il faut d’abord identifier l’auteur du contenu.

A – Le contenu est produit par l’éditeur (contenus éditoriaux)

Lorsque l’éditeur est l’auteur du contenu dont le retrait est demandé, on parle de contenu éditorial. Il peut s’agir d’un article de presse, ou d’une photographie prise par l’éditeur pour illustrer un article.

B – Le contenu est produit par les internautes Il faut distinguer deux cas de figure.

Les pages d’hébergement : Si le travail de l’éditeur se limite à héberger le contenu produit intégralement par les internautes, il est strictement hébergeur. C’est notamment le cas pour les hébergeurs de blogs, ou de forums animés par les internautes.

Les pages mixtes : Lorsque le contenu produit par les internautes coexiste avec les contenus éditoriaux, alors l’éditeur a une double casquette. Il est en même temps hébergeur du contenu produit par les internautes, et auteur de ses contenus éditoriaux.

C – Le contenu est fourni par les partenaires de l’éditeur

Les partenaires de l’éditeur peuvent lui fournir des articles, ou des flux RSS. Dans cette situation, les partenaires conservent la qualité d’auteur des contenus.

 

II – Connaitre le régime de responsabilité applicable

A – Pour les contenus éditoriaux

La responsabilité de l’éditeur est totale. Les personnes en charge de la rédaction ou de la publication procèdent par conséquent à une « autocensure ». Cette démarche comprend les étapes suivantes : vérification des informations et du respect des lois en vigueur, interrogations sur l’opportunité de publier une information.

B – Pour les contenus produits par les internautes

Les pages d’hébergement : La loi n°2004-575 dite LCEN du 21 juin 2004 prévoit un régime de responsabilité atténuée pour les prestataires d’hébergement. Il s’ensuit que leur responsabilité ne peut être engagée s’ils n’avaient pas effectivement connaissance du caractère manifestement illicite de données ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où ils ont eu cette connaissance, ils ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. A noter qu’au regard des dispositions de l’article 6-I-5 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, la connaissance de faits litigieux n’est présumée acquise que dès lors que l’hébergeur a connaissance de :

  • la date de la notification ;
  • si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
  • les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
  • les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
  • la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté. »

En effet, une notification adressée à l’hébergeur ne contenant pas l’ensemble de ces éléments est considérée, de manière constante par la jurisprudence, comme non conforme et ne justifiant pas de la connaissance par l’hébergeur de contenus invoqués comme illicites. Le prestataire d’hébergement n’est par ailleurs pas tenu d’une obligation générale de surveillance des contenus hébergés et ne saurait par conséquent endosser l’obligation d’anonymiser ou de supprimer des données à caractère personnel. Cette responsabilité incombe à l’éditeur du service concerné, le prestataire d’hébergement étant tenu de conserver les données d’identification de cet éditeur. Par ailleurs, la Cour de Cassation a récemment précisé qu’un hébergeur n’a pas à mettre en place un dispositif de blocage de tout contenu illicite qui lui a été notifié. En pratique, le demandeur doit donc s’adresser préalablement à l’auteur du contenu pour lui demander de retirer le contenu. Ce n’est que faute de pouvoir obtenir de l’auteur qu’il retire le contenu que le demandeur pourra se tourner vers l’hébergeur.

Les pages mixtes : Pour les pages mixtes, il faut procéder à un découpage. L’éditeur a une responsabilité totale pour les contenus dont il est l’auteur, et une responsabilité d’hébergeur pour les contenus produits par les internautes. L’article 93-3 al. 5 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 prévoit en outre que « lorsque l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ».

C – Pour les contenus fournis par les partenaires de l’éditeur

Pour cette catégorie de contenus, la règle est que l’éditeur renvoie en principe le demandeur chez le partenaire. Toutefois, dans certains cas, et en fonction du contrat, l’éditeur pourra être amené à modifier ou supprimer directement le contenu, s’il l’a déjà été sur le site du partenaire et que la preuve en est apportée.

 

III – Procédure à suivre en cas de demande de retrait de contenus

A – Pour les contenus éditoriaux

 

Formalisme exigé pour la demande :

  • Lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au directeur de la publication ;
  • Adresse (URL) exacte du contenu ;
  • Identification et reprise des contenus diffamatoire / injurieux / ou portant atteinte à la vie privée.

Vérification des délais de prescription :

  • Pour injure et diffamation : 3 mois à compter de la date de la publication litigieuse. Le délai est porté à 1 an dans le cas où la diffamation publique a été proférée en raison d’une discrimination spécialement interdite (article 65 de la loi du 29 juillet 1881) ;
  • Pour les atteintes à vie privée : 5 ans (article 2224 nouveau du code civil) ;
  • Pour les atteintes à présomption d’innocence : 3 mois révolus à compter du jour de l’acte de publicité. (article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881).

Cas de demandes de retrait rencontrés :

1/ Les condamnations amnistiées (art. 133-11 du code pénal). Le demandeur joint à sa demande de retrait des justificatifs (copie de la décision/extrait du JO) ;
Attention : l’interdiction de rappeler les condamnations amnistiées ne s’applique pas aux journalistes .
2/ Les paroles d’une personne enregistrées sans son consentement alors qu’elles ont été prononcées à titre privé ou confidentiel (atteinte à la vie privée réprimée par l’article 226-1 du code pénal) ;
3/ Les photographies d’une personne prises sans son consentement alors qu’elle se trouvait dans un lieu privé (atteinte à la vie privée réprimée par l’article 226-1 du code pénal). Ce sont les cas de demandes de retrait les plus fréquents.

Pour rappel : malgré le retrait d’un contenu par l’éditeur, le risque de procédure lié à l’infraction retenue subsiste. En effet, le retrait d’un contenu litigieux n’est pas synonyme de disparition de l’infraction, celle-ci ayant déjà été consommée. Par conséquent, des poursuites au titre de dommages et intérêts restent envisageables. C’est pour cette raison qu’il peut arriver que l’éditeur transige avec le demandeur, pour éviter tout procès suite au retrait du contenu litigieux.
Pour les autres cas de demandes de retrait : En matière de contenus éditoriaux, les personnes en charge de la rédaction ou de la publication du contenu prennent généralement des précautions avant toute publication de contenus, de sorte qu’il est rare que les faits reprochés soient clairement avérés. C’est pourquoi, dans la pratique, les demandes de retrait sont appréciées au cas par cas, et l’éditeur met en balance divers intérêts :

  • l’importance de l’actualité et l’utilité de l’information divulguée ;
  • l’importance du préjudice subi par le demandeur ;
  • la notoriété du demandeur ;
  • le lien entre le demandeur et l’actualité relatée ….

La publication d’une information réelle mais ayant perdu son caractère d’actualité est susceptible de causer préjudice à la personne concernée. Les éditeurs doivent donc être particulièrement vigilants dans l’appréciation du caractère d’actualité d’une information, et dans l’opportunité de maintenir la publication de cette information.

1/ Pour les contenus diffamatoires ou injurieux : Lorsque la diffamation ou l’injure est constatée par un jugement, l’éditeur procède au retrait du contenu litigieux. Les cas sont rares.
2/ Pour l’atteinte à la vie privée : L’appréciation de l’atteinte à la vie privée d’une personne reste délicate. En cas de divulgation de faits concernant la vie privée d’une personne, ou en cas de propos ou de photographie prise dans un lieu privé sans le consentement de la personne concernée, l’éditeur fait en général droit à la demande de retrait de contenus.
3/ Pour l’atteinte à des droits de propriété intellectuelle (droit d’auteur, droit des marques…) : Sauf exception d’information et de courte citation, les contenus (photographies ou textes) sont retirés lorsque la preuve de la titularité des droits est apportée par le demandeur. Les éditeurs doivent être particulièrement vigilants quant à une possible requalification en cas de diffamation lorsque le logo d’une marque ou la photographie d’une personne reconnaissable est utilisée pour illustrer un article susceptible de lui causer préjudice et se rapportant à une autre chose ou une autre personne qu’elle.
4/ Pour les articles de presse contenant des données à caractère personnel : Le droit d’accès et le droit de rectification ne peuvent pas être invoqués par un internaute pour demander le retrait d’un article de presse contenant ses données à caractère personnel (Art. 67 de la loi du 6 janvier 1978). En revanche, le droit d’opposition peut être invoqué. L’éditeur apprécie la légitimité de la demande en fonction de l’atteinte à la vie privée et du droit à l’information.

Après mise en balance, si l’éditeur estime que les impératifs du droit à l’information priment sur le préjudice causé au demandeur et qu’il est en mesure de justifier son choix, il peut anonymiser un article de presse. L’éditeur procède à l’anonymisation dans les cas suivants :

  • En cas d’erreur manifeste du journal ;
  • Lorsque l’identité du demandeur est sans rapport direct avec l’information ;
  • Lorsque l’information litigieuse perd son caractère d’actualité.

Pour rappel, en ce qui concerne les décisions de justice : dans une recommandation en 2001, la CNIL a demandé la suppression du nom des parties dans les jugements et arrêts rendus librement accessibles sur Internet. La voie de l’anonymisation systématique a été suivie dans le souci de prévenir les risques d’atteinte à la vie privée des justiciables. Il s’agit d’une obligation stricte car l’anonymisation ne souffre normalement aucune exception. Elle s’impose même dans l’hypothèse où les parties souhaiteraient que leurs identités soient révélées à l’occasion de la diffusion en ligne des jugements ou arrêts.

Le traitement des demandes de droit de réponse Rejet des demandes de droit de réponse :

  • Lorsque la personne est en mesure de répondre elle-même via un commentaire par exemple;
  • Lorsque la personne a déjà fait usage de son droit de réponse auprès d’autres médias ;
  • Lorsque le formalisme de la demande de droit de réponse n’est pas respecté.

 

B – Pour les contenus produits par les internautes (responsabilité de l’hébergeur) Formalisme exigé pour la demande : Notification par écrit des éléments suivants :

  • la date ;
  • si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
  • le nom et le domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • la description des faits litigieux et leur localisation précise (URLs) ;
  • les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
  • la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.

Même si l’éditeur peut parfois être plus souple, notamment sur le dernier point lorsqu’il sait déjà que l’auteur du contenu ne peut être contacté (commentaires anonymes…), le caractère obligatoire de l’ensemble de ces mentions a été réaffirmé par la cour de cassation dans un arrêt du 17 février 2011. Délai de retrait du contenu : Afin de ne pas engager sa responsabilité, la loi prévoit que l’hébergeur doit retirer le contenu « promptement » suite à une notification. La durée effective de ce délai varie dans la jurisprudence en fonction des circonstances et notamment du préjudice subi par le demandeur ou de l’évidence du caractère illicite du contenu. Ainsi, les juges pourraient considérer un délai de 24h comme prompt pour un contenu portant atteinte à la vie privée et révélant une information encore inconnue. A l’inverse, le délai pourrait être étendu à quelques jours pour un contenu portant atteinte à une marque. Cas de demandes de retrait rencontrés :

  • Contenus diffamatoires/injurieux : Evaluation au cas par cas du caractère diffamatoire ou injurieux des propos.
  • Atteinte à des droits de propriété intellectuelle :
     – Droits d’auteur : reprise d’un contenu pour lequel l’utilisateur n’a pas obtenu les droits (photo, texte…). Le contenu est en général supprimé lorsque le demandeur apporte la preuve de la titularité de ses droits.
    – Marques : les pseudonymes reprenant une marque font souvent l’objet d’une suppression. La citation d’une marque dans un commentaire peut parfois faire l’objet d’un ajout afin de préciser qu’elle est déposée.
    – Publication de données personnelles/photos représentant une personne : Suppression systématique.
  • Atteinte à la vie privée : lorsqu’un internaute intervient sous pseudonyme sur un forum de discussion, il a le droit de demander à l’hébergeur du forum la suppression de ses nom et prénom, en se fondant sur la loi du 6 janvier 1978. En effet, la révélation de l’identité de cette personne et les faits associés sont de nature à constituer une atteinte à l’intimité de sa vie privée. Le forum constitue un traitement automatisé de données à caractère personnel, et l’hébergeur en est le responsable puisque c’est lui qui détermine ses finalités et ses moyens. L’hébergeur ne peut pas se retrancher derrière son statut d’hébergeur. En tant que responsable de traitement, il doit faire droit à la demande de suppression du patronyme de l’internaute.

 

C – Pour les contenus issus de partenariats

La plupart des contrats qui envisagent cette hypothèse prévoient en règle générale une transmission de la demande de retrait au partenaire de l’éditeur. Ce dernier conserve en effet la qualité d’auteur du contenu litigieux. Néanmoins, certains contrats peuvent prévoir que le contenu pourra être modifié/supprimé par l’éditeur saisi de la demande de retrait, si le contenu a déjà été modifié/supprimé sur le site du partenaire et que la preuve en est apportée. En somme, la pratique la plus courante consiste à renvoyer le demandeur vers l’éditeur du service tiers, mais une correction directe de l’information est possible en cas de constat d’une erreur.

D – En cas de présence du contenu dans les moteurs de recherches

Après une démarche préalable de déréférencement du contenu par l’éditeur, le demandeur est renvoyé vers le moteur de recherches sur lequel le contenu apparait.

Bonne pratique : Utilisation des outils de demande de déréférencement mis à disposition par les moteurs ? (Yahoo! Site Explorer, Google Webmaster Tools, …).
Pour info, le TGI de Paris a fait droit à la demande d’un internaute qui avait engagé une action à l’encontre du moteur de recherche Google. La demanderesse réclamait la suppression des liens URL associant son patronyme à des vidéos pornographiques où elle apparaissait. Elle a agi sur le fondement de l’atteinte à sa vie privée et de son droit à l’oubli.
Pour le Tribunal, le fait d’associer un patronyme à des vidéos pornographiques constitue une atteinte à sa vie privée. Or, en application de l’article 6-I-2 de la LCEN, si une personne porte à la connaissance de l’hébergeur l’existence de contenus à caractère illicite, celui-ci a l’obligation de retirer ces contenus.
Par conséquent, n’ayant pas désindexé les liens URL, Google « participe au trouble manifestement illicite causé à la demanderesse qu’il convient de faire cesser ». Concernant le droit à l’oubli, malgré le fait que la demanderesse ait donné son consentement lors du tournage de ces films, elle n’a pas consenti à leur numérisation et à leur diffusion sur internet. Ainsi, bien que « cette vidéo ne révèle pas en elle-même des scènes de sa vie privée, il n’en demeure pas moins que ce film témoigne d’une époque donnée de la vie de la jeune femme laquelle entend bénéficier du droit à l’oubli ». Il résulte de ce qui précède que Google a été condamné au retrait de tous les liens URL litigieux sous astreinte.
En somme, un internaute peut faire jouer son droit d’opposition, et demander à un moteur de recherche de supprimer tous les résultats apparaissant à la suite des requêtes avec ses nom et prénom. Pour les juges du fond, « il incombe au moteur de recherche d’aménager la possibilité d’un retrait a posteriori des données à caractère personnel en permettant la désindexation des pages à la demande de la personne concernée par ces données en application de l’article 38 alinéa 1er de la loi précitée . »